assis au bord d'un trottoir, je quémande ne serait-ce qu'un peu
d'attention, un peu de reconnaissance. le fossé s'est creusé, et je
ne parviens pas à y remonter. je suis tombé mais personne ne veut
me relever. parfois les nuages se dégagent mais la lumière
n'apparaît pas. aucune main ne se tend pour récupérer la mienne.
on me regarde du haut de ce trou. étrangement, indifféremment. je
suis l'autre. un autre. un putain d'étranger pour la simple raison
que je suis différent. pourtant je suis là. je suis présent.
j'existe aux yeux de tous mais je suis également profondément
absent, invisible ou peut-être inintéressant. sans intérêt. je
suis déjà foutu. ils possèdent une résignation qui me contamine.
une maladie incurable qui ne semble même pas pouvoir les affecter.
nous sommes plusieurs dans ce trou, mais certains s'en sortent un peu
mieux que d'autres. une inégalité qui me ronge. j'ai ainsi été
choisi, contre mon gré. parmi ces milliards d'hommes, je n'ai pas eu
la chance de m'adapter. des événements bien plus puissants que moi
ont pris le contrôle et m'ont conduit dans ce chemin tortueux où
je ne souhaitais pas aller. parfois je croise le regard de ces
hommes, de ce qui me sert de semblables. je ne lis qu'une hypocrite
pitié, une empathie à vomir. dans les miens, certains décèlent ma
peur, ma crainte, ma perte. je suis devenu un homme errant sans
aucune volonté, sans aucun espoir. il s'est envolé lui aussi et m'a
laissé seul avec ce monde pernicieux. je suis un homme battu quotidiennement par le
confort des uns, la richesse des autres et par un amour qui m'est interdit. je suis un homme marginal forcé de vivre dans cet
environnement qui ne me désire pas. la barrière est presque plus
lourde que mes maux. en contrepartie, je ne fais que rejeter ces
êtres qui me méprisent constamment. voilà ma seule riposte
possible. j'ai imité mes prédécesseurs, car c'est bien dans cette
case que je suis. c'est ainsi un devoir que je dois tenir, et c'est
certainement bien le seul que je puisse. je peux essayer d'agir
différemment, mais la tâche est ardue. les vices m'appellent et me
recouvrent de toute leur perversité. je me laisse emporter par leur
souffle mortel sous la pression de mon abandon. je suis bouffé par
le manque. je ne parviens pas à crier plus fort que je ne le fais
déjà. essayez de m'entendre, de me regarder parfois et vous verrez
peut-être que nous ne sommes pas si étrangers. je suis un homme
détruit par votre simple présence. une ridicule pièce balancée
dans mon gobelet en carton sale ne fera pas de vous quelqu'un de bien
et de respectable. je suis un homme. un homme.
Sïana ©
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